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Barthes et le costume de théâtre

Quelques extraits d'un article de Roland Barthes sur le costume théâtral, que nous a transmis Gaëlle. L'intégralité du texte, intitulé Les maladies du costume de théâtre, mérite le détour (http://julie-d.levillage.org/roland_barthes.htm). Il est parfois un peu compliqué mais ça vaut le coup de s'accrocher ! Lisez déjà ces bribes : 

 D'une manière générale, le costume de théâtre ne doit être à aucun prix un alibi, c'est-à-dire un ailleurs ou une justification : le costume ne doit pas constituer un lieu visuel brillant et dense vers lequel l'attention s'évaderait, fuyant la réalité essentielle du spectacle, ce que l'on pourrait appeler sa responsabilité ; et puis le costume ne doit pas être non plus une sorte d'excuse, d'élément de compensation dont la réussite rachèterait par exemple le silence ou l'indigence de l'œuvre. Le costume doit toujours garder sa valeur de pure fonction, il ne doit ni étouffer ni gonfler la pièce, il doit se garder de substituer à la signification de l'acte théâtral, des valeurs indépendantes. C'est donc lorsque le costume devient une fin en soi, qu'il commence à devenir condamnable. Le costume doit à la pièce un certain nombre de prestations : si l'un de ces services est exagérément développé, si le serviteur devient plus important que le maître, alors le costume est malade, il souffre d'hypertrophie. [...]

 En somme, le bon costume de théâtre doit être assez matériel pour signifier et assez transparent pour ne pas constituer ses signes en parasites. Le costume est une écriture et il en a l'ambiguïté : l'écriture est un instrument au service d'un propos qui la dépasse ; mais si l'écriture est ou trop pauvre ou trop riche, ou trop belle ou trop laide, elle ne permet plus la lecture et faillit à sa fonction. Le costume aussi doit trouver cette sorte d'équilibre rare qui lui permet d'aider à la lecture de l'acte théâtral sans l'encombrer d'aucune valeur parasite : il lui faut renoncer à tout égoïsme et à tout excès de bonnes intentions ; il lui faut passer en soi inaperçu mais il lui faut aussi exister : les acteurs ne peuvent tout de même pas aller nus ! Il lui faut à la fois être matériel et transparent : on doit le voir mais non le regarder. Ceci n'est peut-être qu'une apparence de paradoxe : l'exemple tout récent de Brecht nous invite à comprendre que c'est dans l'accentuation même de sa matérialité que le costume de théâtre a le plus de chance d'atteindre sa nécessaire soumission aux fins critiques du spectacle.

Roland Barthes - 1955, Théâtre populaire

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