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Orphée, Eurydice, Festen et... Maître Juju !

Il nous épatera tout le temps, ce maître Juju. Voici une analyse forte intéressante de notre grand érudit, en lien avec le dernier spectacle que nous sommes allés voir à La Roche. Place à la parole du maître... :
 Dans la pièce Festen, tirée du film du même nom, la caméra s'attarde plusieurs fois sur la reproduction d'un tableau de Jean-Baptiste Corot (huile sur toile, 1861), intitulé "Orphée ramenant Eurydice des Enfers". Pourquoi ce tableau ? Quel en est le rapport avec le propos de la pièce ? Quelle symbolique porte-t-il ?
Rappelons-nous tout d'abord le mythe qui en est à l'origine :
Mythe d’Orphée et d’Eurydice (source : Vikidia)

Dès sa rencontre avec Eurydice, ils s'aimèrent tout de suite et décidèrent de se marier. Mais le jour de son mariage, Eurydice fut mordue au mollet par un serpent venimeux. Le venin lui monta au cœur et en un instant, celui-ci cessa de battre. Eurydice morte, Orphée ne savait plus comment vivre. Il était tellement triste qu'il décida de descendre au royaume des morts et de demander à Hadès de lui rendre sa femme.
Jouant de la lyre, il put endormir Cerbère, le chien à trois têtes qui gardait l'entrée des Enfers, et approcher le maître des lieux. Hadès lui donna la permission de ramener sa femme à une seule condition : il ne devait pas se retourner, ni la regarder et ni parler à sa femme avant d'être de retour dans le monde des vivants. Mais il désobéit, et alors qu'il arrivait à la fin du sentier, il se retourna et perdit sa femme pour toujours.
Orphée demeurait inconsolable de cette disparition. Son chant triste exaspéra les ménades qui le lapidèrent et il rejoignit ainsi son Eurydice dans le séjour des morts
La référence au mythe dans Festen
Cet amour fusionnel d'Orphée et Eurydice que célèbrent les poètes antiques, on le retrouve dans l'étrange famille de Festen, entre les deux jumeaux, Christian et Linda. Celle-ci s'est donné la mort un an avant le moment de la pièce. En ayant le courage de revenir sur les lieux de ce drame, et d'autres drames plus anciens, encore enfouis et inconnus de tous, Christian affronte à la fois la figure effrayante de son père et ramène en quelque sorte à la vie le souvenir de sa sœur disparue. Ce n'est pas par son chant, mais par son discours, que le jeune homme fait revenir à la mémoire de tous, et donc à la vie, sa moitié défunte.
Si la caméra s'attarde si souvent et si longtemps sur le tableau fantastique de Corot, c'est donc bien pour montrer cette seule tentative de Christian de braver la mort, mais aussi pour nous rappeler que nous connaissons déjà la fin de l'histoire, et le déchirement tragique qu'elle impose. Contrairement à Orphée, Christian est conscient de cela, et son acte héroïque finit par la reconnaissance des siens et la condamnation du bourreau, là où Orphée transforme son deuil en folie autodestructrice, et laisse les divinités qui l'entourent le mettre sauvagement à mort.
Il est donc assez émouvant de considérer que ce mythe, d'abord chanté par les poètes antiques, relayé entre autres par les peintres, poursuive sa course (inconsciemment ? car le tableau n'apparaît justement pas dans le film de 1998 ) dans un projet filmique qui voulait révolutionner le langage et la production cinématographiques, et nous arrive en 2019 dans cette magnifique et forte pièce à laquelle nous avons assisté.


 

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