Ça parle de quoi : La très lamentable Comédie de la très cruelle mort de Pyrame et de Thisbé, drôlerie très tragique d’après Le songe d’une nuit d’été de William Shakespeare ???
Cela fait un moment qu’il nous tentait, le sacré Shakespeare, et puis nous voulions une comédie, qui nous permette aussi d’explorer le merveilleux, alors nous en sommes arrivés au Songe d’une nuit d’été, écrit en 1594-1595. Nous avions envie d’une « comédie totale », si l’on peut dire, d’un projet ludique, vivant et joyeux. William s’est bien amusé à écrire son Midsummer night’s dream, en parodiant à tout va. Eh bien, nous aussi !
De quoi parle notre adaptation ? On pourrait trivialement résumer l’intrigue par la question suivante : Thésée va épouser Hippolyta, la noce approche, comment meubler le temps avant de consommer cette union ? Quatre lunes à attendre avant que le mariage soit célébré et que Thésée puisse enfin inviter tout le monde à aller « au lit, chers amis ». Alors faisons la fête ! Celle-ci se prépare : une troupe formée d’artisans répète une pièce de théâtre. Les comédiens (très) amateurs se retrouvent dans un monde peuplé de fées, d’elfes et de lutins, à commencer par Puck, au service du roi Obéron. Ce dernier, roi des elfes, et son amoureuse, Titania, reine des fées, sont en pleine crise conjugale. Obéron décide de se venger en versant sur les yeux de Titania le suc d’une fleur qui a le pouvoir de rendre amoureux de la première personne vue. Entre temps, Puck a métamorphosé Pelote, l’un des comédiens, en âne. Arrive ce qui devait arriver : Titania tombe amoureuse de l’âne. Tout rentre dans l’ordre et la cour se retrouve pour assister à la pièce de théâtre jouée par les artisans, qui raconte le sanglant épilogue des amours contrariées de Pyrame et Thisbé, et qui donne son titre à notre création (LTLCDLTCMDPEDTDTT). Une manière de mettre en relief notre parti pris central : le théâtre dans le théâtre.
Il y est aussi un peu question de désir amoureux. Le message est clair, non ? Les amoureux sont aveugles au point de tomber en pâmoison devant le premier âne qui passe ! Mais que nous raconte d’abord cette histoire ? Le théâtre, c’est invraisemblable ; c’est factice ; ça ne tient pas debout ; c’est (parfois) mal joué ; c’est (parfois) mis en scène n’importe comment ; en plus le spectateur a bien d’autres choses en tête de nettement plus important (faire l’amour, vous pensez…) ; il n’est pas dupe, de cette histoire mal réchauffée en ragoût puisant aux sources les plus diverses et les plus éculées, de cette rhétorique pathétique à force d’être convenue, à pleurer de rire. Et pourtant, le théâtre, ça marche. Et si ça marche pas, ce n’est pas très grave, on essaiera de faire mieux la prochaine fois, proclame le comédien incarnant Puck en guise de conclusion. Ainsi, Le Songe, et donc notre LTLCDLTCMDPEDTDTT avec lui, est avant tout (et peut-être n’est-il que cela ?) un bel hommage au théâtre. Pas un hymne ronflant, pompeux, didactique et solennel ; mais un chant léger et rieur, qui montre par l’exemple la puissance paradoxale de l’illusion théâtrale, sans se prendre au sérieux, et sans donner à l’art dramatique une importance plus grande qu’il n’en a. Loin de tout réalisme, ce spectacle renvoie à la réalité du théâtre.
Puisque Shakespeare joue avec cette pièce, nous avons voulu le montrer, notamment en transplantant l’histoire sur une plage estivale contemporaine, dans un jeu burlesque, voire clownesque. Il fait chaud, les corps se dévoilent, les désirs et la sensualité s’exaspèrent. L’été sur la plage, ce sont les soirées qui s’étirent, les nuits qui se prolongent, les amours estivales… C’est aussi l’espace du jeu et des jeux, de la fantaisie, des spectacles hors les murs, des petits cirques. La plage est un lieu de rencontre, où se croisent des gens de milieux différents, réunis le temps d’un bref moment, qui restera comme un songe quand le temps des vacances sera passé. Tout y est un peu factice, éphémère et faux. Personne n’y croira, à notre plage. Et pourtant, si tout va bien…
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