Accéder au contenu principal

La môme de Bergerac : c'est quoi au juste ?

La môme de Bergerac
d'après Cyrano de Bergerac d'Edmond Rostand

Faut-il présenter Cyrano de Bergerac ? Tout le monde connaît Cyrano ! Soldat, bagarreur, poète, fier, indépendant, chevaleresque et… laid. Très laid. Défiguré par un nez immense. Évidemment, il tombe amoureux de la plus belle, sa superbe et précieuse cousine Roxane qui, elle, n’a d’yeux que pour le beau Christian, charmant mais incapable de parler. Cyrano donnera donc les mots qui manquent à Christian, qui séduit la belle. Mais de quoi est-elle amoureuse ? De la beauté de l’un ou de celle du langage et de l’âme de l’autre ? Le personnage comme la pièce sont quasiment des mythes nationaux. Qu'ont-ils à nous dire encore, aujourd’hui ?
Cyrano se bat pour exister. Puisque sa beauté intérieure n'est pas et ne sera jamais reconnue, puisqu'il n'est rien, il le dit lui-même, puisqu'il a toujours été un mal-aimé (ou un non-aimé), puisque son apparence le stigmatise et l'exclut à tout jamais, que lui reste-il d'autre que de déclarer la guerre à la terre entière ? Il fait la guerre, avec les mots comme avec l'épée, faute de pouvoir faire l'amour.
Comme Cyrano, les personnages de la pièce se caractérisent par leur jeunesse. Ils vivent en bandes, aiment faire la fête, boire et manger, la musique. Leur comportement est celui d'une jeunesse pleine d'énergie, de sève et de fougue : excès, exubérance, démesure, provocation, rejet du « bourgeois »... Animés par un esprit de corps et même de caste qui ne va pas sans un certain respect pour le chef ou le « grand frère », ils sont toujours en groupe, bruyants et tapageurs, volontiers bagarreurs.
La jeunesse, la violence, la rage (en ce qui concerne Cyrano) de ces exclus de la société pour « délit de faciès », une soif d'amour pudique masquée par une arrogance verbale et physique, la haine de ces mal-aimés qui ne sont rien, condamnés pour leur paraître par une société qui ne veut pas voir leur être... : Cyrano, et dans une moindre mesure ses compagnons, sont aussi (et peut-être d'abord) le symbole d'une certaine jeunesse, d'hier comme d'aujourd'hui. Ces grandes lignes expliquent le parti-pris adopté dans La môme de Bergerac. Des jeunes d'aujourd'hui, qui vivent en bande dans les cités. La rue est leur univers, la violence est quotidienne.
La môme avez-vous dit ? Dernier changement, et non des moindres, le sexe des personnages. Cyrano et Christian deviennent des filles, Cyrano et Christa, tandis que Roxane devient un garçon, Roxan. Ce changement — qui a demandé quelques aménagements aux alexandrins rostandiens — peut peut-être apporter un regard intéressant sur le texte, et au-delà sur la relation hommes-femmes dans le jeu de la relation amoureuse. Comment vont retentir les discours tenus aux et sur les femmes par les hommes, qui ne posent pas problème dans ce sens, lorsque ce seront des femmes qui convoiteront et tenteront de séduire un homme ?
Quoi qu’il en soit, ce spectacle est avant tout, et paradoxalement peut-être, un hymne à la jeunesse. Mal-aimée, rejetée, entière et fougueuse, en quête d’un amour que tous lui refusent. Une jeunesse qui se débat et hurle qu’elle existe. Ou qu’elle voudrait exister.

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

A quoi ressemblait un théâtre au XVIIème siècle ?

Voici quelques documents pour vous faire une idée de ce que pouvait être l'hôtel de Bourgogne au XVIIème siècle, à l'époque où vivait le véritable Cyrano de Bergerac :

D'où vient l'expression "être le sosie de quelqu'un" ?

Le saviez-vous ? « Être le sosie de quelqu’un » nous vient de la mythologie. Pour séduire Alcmène, de qui naîtra Hercule, Jupiter prit l’apparence de son mari Amphitryon (parti à la guerre). Pour parfaire la tromperie, Mercure (le fils de Jupiter) prit les traits de l’esclave de son mari, nommé Sosie. La ressemblance fut si parfaite qu’on ne put les distinguer l’un de l’autre, ce qui entraîna de nombreux quiproquos. L’expression signifie avoir une parfaite ressemblance avec quelqu’un. Alcmène croit retrouver son époux Amphitryon : erreur ! d'après D'où viennent ces expressions ? http://www.cndp.fr/crdp-creteil/telemaque/comite/mythologie-expressions.htm

L'homme de Vitruve

L’Homme de Vitruve (ou le proporzioni del corpo umano secondo Vitruvio en italien, les proportions du corps humain selon Vitruve ) est un célèbre dessin annoté, réalisé vers 1490 à la plume, encre et lavis sur papier, par Léonard de Vinci (1452-1519), d'après une étude de l’important traité d'architecture antique De architectura ( Au sujet de l’architecture ) rédigé en -15 par l'architecte ingénieur romain Vitruve (v-90-v-20), et dédié à l’empereur romain Auguste. Célèbre représentation des proportions idéales parfaites du corps humain parfaitement inscrit dans un cercle (centre : le nombril) et un carré (centre : les organes génitaux) (symbolique du cercle et du carré), l'Homme de Vitruve est un symbole allégorique emblématique de l’Humanisme, de la Renaissance, du rationalisme, de « L'Homme au centre de tout / Homme au centre de l’Univers », de la mesure et de la représentation du monde.