L’Apocalypse
Ça y est. C'est la dernière. Je voyais ça tellement loin, et pourtant nous y sommes déjà.
C'est le moment des câlins, celui que je préfère. Je me dirige vers les uns, les autres, en me disant que pour certains, c'est peut-être la dernière fois que je les serre dans mes bras. Je sens mon cœur qui bat, et, sans que je ne m'y attende, les larmes montent et commencent à couler, entraînées par celles que je vois dans les yeux de mes camarades. La fatigue, le stress et enfin l'émotion de cette dernière ont raison de moi.
Après un dernier « merde » collectif, nous nous dirigeons vers les coulisses. Le discours de Dominique nous parvient de loin durant nos dernières étreintes. Mais il est l'heure d'essuyer nos joues humides et d'entrer en scène.
Le rideau s'ouvre. Je me place dans l'ouverture, stoïque, tentant de rester impassible. Le jeu commence, et je me détends petit à petit. Quelques petits bugs de son nous prennent au dépourvu, sans pour autant nous déstabiliser.
Fin de l'acte I. Je suis en place pour la danse, essayant d'être la plus tendue possible. Mais soudain, la musique se coupe. La voix de Dominique se fait entendre : le spectacle est interrompu le temps de remédier à ces problèmes de son. En coulisses, c'est le drame. L'angoisse s'empare de chacun de nous, la panique envahit l'espace. J'ai peur que cela nuise au rythme de la pièce et que nous perdions l'attention des spectateurs. Après plusieurs essais techniques et des minutes qui m'ont semblé interminables, nous enchaînons enfin. La danse démarre, essuyant encore quelques bugs. Mais the show must go on, alors je m'accroche et je tente de donner tout ce que je peux.
Arrive la seconde danse, laquelle, nous venons de l'apprendre, se fera sans musique. Je stresse : comment rendre la monstruosité et l'énergie de cette prestation sans support sonore ? C'est parti. Le public, d'abord respectueusement silencieux, nous encourage de ses applaudissements, au rythme de la canne. Nous nous figeons dans une parfaite synchronisation. La musique n'est pas sur scène, elle est en nous. De retour dans les coulisses, j'en vois qui craquent, qui éclatent en sanglots. Je ne veux pas faire de même, parce que je sais que si je craque, je ne pourrai plus continuer. On se réconforte mutuellement, notre lien est plus fort que jamais.
Le final arrive, et ce qui devait être un déchirement est en fait un soulagement. Nous l'avons fait. Nous y sommes arrivés. Je suis fière de nous et de notre travail. Les larmes s'échappent, car je ressens malgré tout une certaine déception.
Nous souhaitions que cette dernière soit l'Apothéose... Elle restera gravée dans nos mémoires comme « l'Apocalypse ».
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