Ekatérina Ivanovna. Quand le sol se dérobe.
Décaler, mettre à mal notre logique, ne pas donner d’explication, nous entraîner dans un monde qui vacille. Un couple tombe et une âme humaine est en train de sombrer dans la boue, mais la boue d’Andreïev sera toujours plus noire que celle des autres (Strindberg, Tchekhov, Ibsen).
Ekatérina Ivanovna, accusée à tort d’adultère par son mari Guéorgui Dmitrievitch, va glisser doucement vers une débauche sans limites et sans fin. Le couple explose, c’est une onde de choc qui grandira d’acte en acte. Enfants, mères, frère et soeur, ami, témoins et les profiteurs, tous seront irradiés.
Andreïev est une personnalité dérangeante et provocante.
Ses nouvelles sont terribles (La pensée, Le Gouffre, Dies Irae…).
Il nous pousse dans nos retranchements, souvent avec arrogance, il nous amène au bord du précipice et nous laisse alors entrevoir le chaos, l’apocalypse.
L’acte I sera direct, frontal, au premier plan, droit dans les yeux du public.
Eviter à tout prix une situation vaudevillesque. Rien que les mots et la situation : une maison qui s’écroule, et des enfants que l’on réveille en pleine nuit pour partir.
L’acte II sera du point de vue des enfants. Leur présence innocente va accentuer encore le malaise qui commence à apparaître. J’ai choisi une photo du fils ainé de Léonid Andreïev, Vadim, pour visuel de notre affiche. Cette photo trahit un peu l’angoisse du fils lorsque le remariage du père dressa une barrière entre eux.
L’acte III, c’est l’atelier du peintre Koromyslov, l’ami de la famille qui tient salon chez lui. Là où se trouve la fenêtre, cette fameuse fenêtre d’où l’on peut se jeter pour mettre fin à l’Insupportable… Andreïev nous emmène à présent dans le petit monde des «artistes» ; un monde où la morale et les moeurs sont a priori si différents des gens normaux.
Acte IV, Andreïev nous embarque de manière abrupte dans une véritable bacchanale. Nous sommes en enfer chez Jérôme Bosch. Tous les protagonistes de la pièce sont là. Personne n’y fait plus rien, car le monde est ravagé.
Je souhaite travailler ici avec les acteurs sur la vérité des situations, chercher au plus profond de chacun la sincérité. C’est une situation d’urgence, le monde vacille : c’est l’inversion des pôles, rien n’est stable ou normal sous le vernis. Nos vies sont fragiles et nos couples si instables. Il faut jouer vite ce texte, ne pas tomber dans le piège d’une lenteur psychologique à la russe. Non, nous n’avons pas le temps. Les trois coups de feu du début ont lancé le compte à rebours, la terre va exploser sous peu. Je veux des corps conscients de cette urgence à vivre. Pleurer, rire, courir, crier, danser encore une dernière fois avec grâce ou laideur, sans jugement car comme dans Melancholia de Lars Von Trier, il est déjà trop tard.
Le metteur en scène : David Gauchard
Metteur en scène, formé à l’Académie théâtrale de l’Union à Limoges, crée L’unijambiste en 1999. Dans le cadre de sa compagnie, il met en scène une douzaine de pièces. Il se fait surtout remarquer avec ses mises en scènes de Shakespeare : Hamlet, créé sous la forme théâtre-concert. Puis Richard III, et enfin, il monte Le Songe d’une nuit d’été en 2012.
Après cette plongée shakespearienne, David souhaite repenser sa façon de faire du théâtre : rencontrer des écritures plus récentes, des formes artistiques différentes (la danse contemporaine et l’opéra). Continuer sa recherche théâtrale tout en veillant à ne pas s’enfermer dans des systématismes ou des étiquettes. Fidèle dans ses collaborations artistiques, il a aussi la particularité d’aimer mélanger les influences artistiques et les réseaux. Traducteurs, comédiens, musiciens, artistes graphiques, designers se mêlent et collaborent dans ses spectacles, toujours avec le désir de faire sens par rapport au texte.

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