L’intention du metteur en scène,
par Jean-François Le Garrec
par Jean-François Le Garrec
Une pièce aussi folle, aussi connue que Cyrano de Bergerac, crée beaucoup d’attentes, de fantasmes. De l’excitation de cette attente nous faisons un des moteurs de notre jeu. Un peu comme si disions aussi l’histoire de cette pièce dans l’imaginaire collectif et notre propre histoire dans celle du théâtre.
Le principe de jeu
Nous jouons à Cyrano pour jouer Cyrano de Bergerac. Ce principe, qui s’inscrit clairement dans l’histoire du théâtre, est particulièrement actif sur cette pièce et d’autres mises en scène se sont plus ou moins approchées de ce concept. Nous avons voulu, pour nous amuser autant de nous même que de la pièce, le radicaliser à la hauteur de la folie de Cyrano et le confronter à la réalité de notre propre théâtre aujourd’hui.
Le mélange des genres
La pièce porte en elle plusieurs genres théâtraux : la tragédie classique, le drame romantique, la comédie héroïque espagnole et le mélodrame. Ce qui nous intéresse c’est évidemment la possibilité du collage mais si dans ses miscellanées, Rostand fût attentif à effacer toutes les jointures, nous n’en avons plus peur et qu’importe aujourd’hui si la couture reste apparente et que les traces de colles ne sont pas bien essuyées.
La vidéo
Nous ne pouvions pas ne pas utiliser la vidéo, nous en avions besoin : à l’acte IV, le siège d’Arras, apparaissent tous les cadets, aucun comédien n’est libre pour prendre en charges tous ces rôles et le texte de ces cadets évoque tant celui des enfants qui jouent aux « petits soldats » ! Nos petits soldats sont des playmobils, si petits qu’il nous fallait les agrandir pour que tous les voient.
La musique
Parmi ceux qui racontent, qui jouent, il y un musicien, les six autres ont le texte, leur voix pour prendre tous les rôles, lui a son violoncelle pour être l’orchestre symphonique d’une pareille épopée. Une bande son aurait semblé trop préparée et à une autre mesure que la nôtre.
Scénographie
Il fallait dire le jeu, l’invention immédiate, fabriquer un théâtre à portée de main. 25 chaises, 4 tables que l’on dresse, superpose, aligne… Quelques accessoires, une caméra, un projecteur vidéo, des playmobils… Il ne s’agit pas de transformation des objets mais de leur jeu sans contrainte de vraisemblance et sans que jamais la nature première de ces objets ne disparaisse. On se fait un monde de tout et d’un rien.
Pourquoi pour qui
Les questions autour du théâtre élitiste ou populaire agitent fortement les débats. Chacun se sert, avec plus ou moins de bonne foi, d’arguments pour défendre ou attaquer l’un et l’autre. Je ne veux pas prendre les choses de cette manière qui me semble trop réductrice et qui permet de justifier ou de condamner tout et n’importe quoi.
Pour moi, le théâtre est un art de l’adresse (qui s’adresse à). Les artistes du théâtre ont dans la tête, plus ou moins fortement selon les personnalités et selon les fonctions, un ou des spectateurs auxquels ils s’adressent, des spectateurs qu’ils imaginent regardant, écoutant leur théâtre, ceux qu’ils ont envie de toucher (je pourrais dire séduire) ou bousculer. Ces spectateurs n’excluent pas les autres mais ils en sont comme les éclaireurs. Personnellement, j’ai plus tendance à imaginer des gens que je croise dans la rue plutôt que les « spécialistes » que je croise au théâtre et malgré tout, plus ceux qui ont peu que ceux qui ont beaucoup. Comme si notre théâtre allait un peu corriger les injustices du monde. C’est un peu naïf, je suis prêt à le revendiquer.
Extrait de : http://www.legrandr.com/IMG/pdf/dossier_pedagogique_Cyrano.pdf
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire