Hanokh Levin, portrait d'un artiste engagé
Figure incontournable du théâtre israélien contemporain, Hanokh Levin est né en 1943 à Tel-aviv, dans une famille issue de rabbins hassidiques de Pologne. il meurt prématurément d’un cancer en 1999. il grandit dans un environnement déchiré par de profondes tensions liées à l’histoire politique de son pays. il « accède à l’âge d’homme dans l’israël des années 1960, une société marquée par de profonds clivages entre ceux qui sont nés dans le pays et les nouveaux immigrants, entre les riches et les pauvres, entre les Séfarades et les ashkénazes, entre les juifs et les arabes ». Les 57 pièces qu’il nous laisse sont imprégnées d’une manière ou d’une autre par cette atmosphère de conflit : il y explore le comportement humain en situation de crise, n’épargnant personne, ni les politiques, ni ceux de ses concitoyens qui restent crispés sur des préoccupations mesquines. Si ses premières pièces, très politiques, provoquent beaucoup de remous au sein même du pays et sont parfois censurées parce qu’elles attaquent de manière frontale la politique menée par Israël, c’est surtout grâce à ses comédies grinçantes qui dressent des portraits au vitriol d’une société bourgeoise s’agitant frénétiquement pour préserver des intérêts égoïstes et absurdes qu’il accède à une notoriété internationale. Son œuvre se compose également de « pièces mythologiques » tirées de la tragédie antique ou de motifs bibliques, de nouvelles et de poèmes. En tant qu’homme de théâtre, il dirigea lui-même la mise en scène de 22 de ses pièces, et l’on dit qu’il fit répéter ses comédiens dans sa chambre d’hôpital jusqu’à la veille de sa mort.
Hanokh Levin et le théâtre israélien contemporain
Hanokh Levin et le théâtre israélien contemporain
Contrairement au théâtre yiddish populaire des communautés juives ashkénazes d’Europe du Nord qui a une longue histoire, la naissance du théâtre hébreu est récente notamment pour des raisons liées à l’utilisation tardive de cette langue émergente. C’est la ville de Moscou qui donne en réalité naissance au premier théâtre hébreu professionnel. La troupe Habima (« la scène »), encouragée par Stanislavski, se fait connaître en 1917 avec son premier spectacle dibbouk et s’installe en Palestine en 1931 pour fonder le premier théâtre national, le Théâtre Habima. Le paysage théâtral israélien a encore à cette époque un visage hésitant. Les auteurs se cantonnent souvent à des écrits étroitement liés à des préoccupations identitaires du peuple juif palestinien. À partir de 1948, la scène israélienne se fait plus que jamais l’écho de l’instabilité politique du pays. Les dramaturges abordent tour à tour les thèmes de la Shoah, de l’intégration des survivants de l’Holocauste arrivés en masse, et mettent en scène des conflits idéologiques d’ordre religieux ou politique en lien direct avec la réalité quotidienne du pays. C’est dans ce contexte qu’Hanokh Levin acquiert dans les années 1960 une grande notoriété : si ses pièces attaquent de front les questions politiques et font scandale, sa verve et sa satire de la société font de lui un auteur dont l’œuvre traverse les frontières par l’universalité des problèmes qu’elle pose. Auteur prolifique et subversif, Hanokh Levin fut l’un des premiers à oser émettre des critiques ouvertes contre les choix politiques des dirigeants de son pays. Il cherche également à éveiller la conscience de ses concitoyens par ses comédies féroces et engagées.
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