Mais qu'est-ce donc ?...
Résumons
Cinq livres en une heure de spectacle ! Qui dit mieux ? L’œuvre, donc, d’Alcofribas Nasier alias Seraphin Calobarsy alias François Rabelais, sans chipoter sur la douteuse attribution du dernier opus : Pantagruel, Gargantua, Le Tiers, Le Quart et Le Cinquième livres. Ça commence mal si on veut simplifier.
Il fallait un fil conducteur. Ce fut Panurge, un garçon sympathique mais menteur, certes polyglotte mais volontiers chapardeur et grand trousseur de jupons, aussi couard que fanfaron. Humain en diable quoi. Il se noue d’une belle et improbable amitié avec Pantagruel, roi et géant (quand ça arrange Rabelais, et nous avec lui), accompagné de toute sa cour. Notre héros se pose une double question : doit-il se marier ? et si oui, sera-t-il cocu ? Il lui faut trouver réponse à ce problème qui le tiraille.
La joyeuse troupe entame donc une expédition qui va la conduire jusqu’à la Dive Bouteille. Panurge questionne tous les doctes rencontrés en chemin, à savoir : Pantagruel lui-même, les juges Bridoie and Co, Nazdecabre et ses copains sourds-muets, Trouillogan le philosophe. Bien entendu, cette quête est interrompue par de drôles de trublions, comme le vindicatif roi Picrochole ou le marchand de moutons Dindenault. L’agencement des épisodes rabelaisiens est certes quelque peu secoué, voici quoi qu’il en soit nos aventuriers aux portes de la caverne de l’oracle de la Dive Bouteille qui, elle, — Ô miracle ! — leur délivre aussi sec la réponse tant désirée.
Sacré Rabelais ! “Quel homme il fut, nos descendants le chercheront […]. Ils croiront peut-être que ce fut un bouffon, un farceur qui attrapait les bons plats à force de bons mots. Non, non, ce n’était pas un bouffon, ni un farceur de carrefour. Mais, avec un génie exquis et pénétrant, il raillait le genre humain et ses désirs insensés et la crédulité de ses espérances.”
Oui, combien l’Homme est étrange à vouloir connaître l’avenir avant de s’engager dans l’action… Ni les dogmes religieux, ni les saintes paroles politique, juridique, médicale ou philosophique ne donneront jamais d’Unique Vérité Absolue. Pour savoir de quoi la vie est faite, commençons par la vivre, pleinement. Vivre, c’est choisir, c’est risquer, et c’est connaître. Peut-on savoir, a priori, quelles seront les conséquences de nos choix de vie ? Qui pourra nous donner un remède infaillible à nos doutes et à nos peurs ?
Personne, répond joyeusement Rabelais… Rabelais, le moine, le prêtre, le médecin, le savant, l’ami des philosophes et des plus grands penseurs de son temps, l’homme de lettres et d’action, ce proche des princes mis à l’index plus souvent qu’à son tour, celui qui, gardant sa foi, réussira à se faire détester des ultras de tous bords, aussi bien catholiques que calvinistes…
Personne, répond cette âme insatiable et pleine de vie ; personne sinon soi-même, fort de son libre arbitre, riche d’une vérité toujours relative et personnelle, à chercher et à réinterroger sans se laisser endoctriner par toutes ces voix qui écrasent de leur trop-plein d’universelles certitudes ; soi-même, avec confiance, avec appétit, mais sans illusions.
Et Panurge, au fait, marié ou pas marié ? cocu ou pas cocu ?
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