
[145] À ce nom de Thisbé, il ouvre ses yeux déjà chargés des ombres de la mort; ses yeux ont vu son amante, il les referme soudain. L'infortunée aperçoit alors son voile ensanglanté; elle voit le fourreau d'ivoire vide de son épée; elle s'écrie : "Malheureux ! c'est donc ta main, c'est l'amour qui vient de t'immoler ! Eh bien ! n'ai-je pas aussi une main, n'ai-je pas mon amour pour t'imiter et m'arracher la vie ? Je te suivrai dans la nuit du tombeau. On dira du moins, Elle fut la cause et la compagne de sa mort. Hélas ! le trépas seul pouvait nous séparer : qu'il n'ait pas même aujourd'hui ce pouvoir ! Ô vous, parents trop malheureux ! vous, mon père, et vous qui fûtes le sien, écoutez ma dernière prière ! ne refusez pas un même tombeau à ceux qu'un même amour, un même trépas a voulu réunir ! Et toi, arbre fatal, qui de ton ombre couvres le corps de Pyrame, et vas bientôt couvrir le mien, conserve l'empreinte de notre sang ! porte désormais des fruits symboles de douleur et de larmes, sanglant témoignage du double sacrifice de deux amants" ! Elle dit, et saisissant le fer encore fumant du sang de Pyrame, elle l'appuie sur son sein, et tombe et meurt sur le corps de son amant.
Ses vœux furent exaucés, les dieux les entendirent : ils touchèrent leurs parents; la mûre se teignit de pourpre en mûrissant; une même urne renferma la cendre des deux amants.
Ovide - Les Métamorphoses – IV – traduction (légèrement adaptée) de G.T. Villenave, Paris, 1806
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